L’article 149 de la loi sur la protection du consommateur donne aux emprunteurs la possibilité de suspendre «judiciairement» le contrat de prêt. Pour bénéficier de la protection de la loi, il faut présenter les preuves d’une précarité financière ou d’une situation familiale ou médicale délicate.
«L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible, suspendue par ordonnance du président du tribunal compétent. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt», stipule l’article 149 de la loi sur la protection du consommateur qui constitue une véritable bouffée d’air frais pour les emprunteurs. En cas de licenciements, de divorces coûteux, de maladies graves ou face à une situation financière précaire, le paiement des échéances dus aux établissements bancaires s’avère souvent difficile. Or, il n’est pas rare de constater que l’établissement bancaire refuse la suspension des échéances ou l’encadre dans des conditions extrêmement restrictives, en permettant des suspensions de 1 à 3 mois avec l’impossibilité d’obtenir une nouvelle suspension avant un an ou deux. Or, l’article 149 permet d’obtenir la suspension des échéances d’une durée maximale de deux ans. Il est d’ailleurs tout aussi envisageable de solliciter du tribunal que, pendant ces deux années, les sommes non réglées ne seraient pas elles-mêmes productrices d’intérêts, et ce, afin de parer à l’habitude qu’ont les établissements bancaires de majorer leurs intérêts dès le premier incident de paiement venu.
Les preuves doivent être expertisées
Mais une telle brèche ne peut être ouverte sans conditions. «Il convient de mettre la bonne foi de l’emprunteur en avant et de démontrer la réalité des difficultés rencontrées ainsi que leur caractère temporaire, et que ces difficultés l’ont poussé à se retrouver assujetti à l’aléa judiciaire et à l’appréciation des juges sur ces difficultés rencontrées», explique un magistrat du tribunal de première instance de Casablanca. Ainsi, doivent être présentées les preuves d’une précarité financière ou d’une situation familiale ou médicale délicate, par le biais d’une expertise, et éventuellement d’une contre-expertise demandée par l’établissement bancaire. Un jugement du tribunal de commerce de Casablanca indique, en sus, que «ces expertises doivent non seulement lui permettre de convaincre le juge qu’il rencontre de véritables difficultés économiques mais que, surtout, passé ce délai de deux ans, ce dernier sera en mesure d’y faire face et de repartir sur des bases saines». Cette démonstration faite, à la fois pour convaincre le juge et pour contrer le refus de l’établissement bancaire d’accorder quelque délai que ce soit, la suspension des échéances du prêt offre bon nombre d’avantages, notamment en ce qu’elle permet le gel des intérêts pendant deux ans, voire un intéressement sur le seul capital. Mais les choses se compliquent lorsque la banque prononce la déchéance du terme et que dans la même foulée l’emprunteur, devenu débiteur, sollicite la suspension judiciaire des échéances du prêt. En février 2015, la Cour de cassation a tranché en estimant que «même si la déchéance a été prononcée, la suspension des obligations du débiteur peut être ordonnée», confirmant ainsi la décision de la Cour d’appel. «En ordonnant au profit de la débitrice, nonobstant la déchéance du terme dont les effets se trouvent par là même suspendus, d’une part, la suspension pendant 2 ans du remboursement des échéances, et, d’autre part, l’amortissement des sommes restant dues avant le terme initialement prévu, la Cour d’appel a fait une exacte application du texte précité», lit-on dans l’arrêt.
Le taux d’intérêt du capital restant dû peut être majoré dans des cas précis
Néanmoins, dans la mesure où l’établissement bancaire n’affiche aucun «solidarisme contractuel», la suspension des échéances du prêt permettrait de décaler la validité de la déchéance du terme à un délai maximal de deux ans mais, au bout de ce délai, certains tribunaux considèrent que c’est la déchéance du terme qui aurait vocation à s’appliquer puisque l’établissement bancaire serait à ce moment-là en droit de poursuivre l’emprunteur. Par ailleurs, si l’organisme de crédit n’exige pas le remboursement immédiat du capital, il se réserve le droit de majorer le taux d’intérêt du capital restant dû jusqu’à la régularisation des échéances. Comme pour le cas particulier du «crédit gratuit». En effet, en cas de défaillance de l’emprunteur, certains juges reconnaissent aux banques le droit d’appliquer un intérêt qui, toutefois, ne peut excéder le plus élevé des taux d’intérêts maximaux des prêts conventionnés garantis par l’Etat, applicable au moment de l’offre de prêt.
Souvent, lorsque l’emprunteur fait un achat à des fins locatives, aucune marge de manœuvre n’est prévue dans l’hypothèse où le locataire ne paierait pas ses loyers, mettant ainsi l’emprunteur en difficulté face à l’établissement bancaire. Ceci d’autant plus que les dispositions propices à la résiliation d’un bail et à l’expulsion d’un locataire sont enferrées d’un délai très long, bien incompatible avec les échéances mensuelles d’un prêt et les difficultés économiques et judiciaires qui peuvent en découler. Le non-paiement des échéances locatives a ainsi été considéré par les juges de la Cour de cassation comme une situation «précaire», si l’emprunteur n’a pas de «revenus fixes» ou si ses «revenus locatifs constituent sa seule source de revenus». Dans ce genre de cas, la suspension des échéances est envisageable. Par contre, si l’expertise judiciaire démontre que l’emprunteur dispose d’un revenu qui pourrait satisfaire aux échéances du crédit, alors le délai de grâce n’est pas accordé.
Commentaires