Une cliente est venue me consulter dans le but d’engager devant le tribunal compétent une procédure d’exequatur d’une kafala judiciaire prononcée en Algérie.
Les faits étaient les suivants : Madame Y. a recueilli un enfant mineur sous le système de la kafala en Algérie. Madame Y. et l’enfant mineur résident en France. L’enfant est scolarisée à l’école maternelle. Suite à une demande de dérogation de secteur scolaire, Madame Y. devait remplir un dossier relatif à sa demande de dérogation.
Un document lui a été remis précisant que « tout jugement étranger (jugement de délégation, kafala) confiant l’autorité parentale à un tiers devra être traduit et faire l’objet d’un exequatur de la part du tribunal. A défaut d’avoir obtenu en temps utile une décision d’exequatur, notamment en cas d’obligation scolaire, la personne venant inscrire l’enfant en mairie devrait justifier de l’engagement d’une procédure devant ce tribunal et transmettre au service compétent copie de la décision une fois la procédure achevée ».
Ainsi, il lui fallait obtenir l’exequatur du jugement de kafala ou engager une procédure en ce sens. A défaut, elle ne pouvait pas finaliser son dossier relatif à sa demande de dérogation dans le délai imparti par l’administration.
Est-ce que la procédure d’exequatur du jugement de kafala est nécessaire ?
L’exequatur est une procédure rendant exécutoire sur le territoire français une décision judiciaire rendue à l’étranger ou une sentence arbitrale.
L’adoption étant interdite en droit musulman, la kafala est une mesure d’accueil légal d’un enfant mineur (makfûl) par une famille (kafil) prenant l’engagement de prendre en charge son entretien, son éducation et sa protection. Cette mesure concerne les enfants mineurs dont la filiation est connue et ceux dont la filiation est inconnue. La kafala ne crée aucun lien de filiation.
La kafala judiciaire est en principe reconnue de plein droit sur le territoire français. En effet, la circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France [1] rappelle que :
« La décision judiciaire de recueil légal est, comme toute décision relative à l’état des personnes, reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée. La convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957 et la convention franco-algérienne relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964 énoncent que pour avoir de plein droit l’autorité de la chose jugée en France, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant au Maroc ou en Algérie doivent réunir les conditions de compétence internationale de la juridiction, de régularité de la citation ou de la comparution des parties, du caractère exécutoire de la décision et de l’absence de contrariété de celle-ci à l’ordre public français ou à une décision rendue en France. Il n’est donc en principe pas nécessaire de solliciter l’exequatur de la décision judiciaire prononçant le recueil légal ».
Cette reconnaissance de plein droit concerne la kafala judiciaire et non la kalafa notariale (acte dressé par des notaires).
Dans le cas d’espèce, Madame Y. a fait valoir cette circulaire auprès du service concerné et a pu produire son jugement de kafala sans engager de procédure d’exequatur devant le tribunal compétent. La pratique des administrations étant disparate, il est important de rappeler que le principe est la reconnaissance de plein droit de la décision judiciaire prononçant la kafala en Algérie ou au Maroc.
Malheureusement, comme le rappelle Messaouda Gacem, avocat « il n’est pas rare que les administrations ignorant cette institution exigent cette exequatur… » [2].
C’est la raison pour laquelle il peut être parfois utile de faire valoir cette circulaire auprès du service concerné.
[1] Circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France NOR : JUSC1416688C
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